Chaque année, au 1er janvier, coïncident deux événements que l’Eglise met en exergue. Premièrement, c’est le jour où l’Eglise célèbre la Très Sainte Vierge Marie comme la Mère de Dieu (Theotòkos). En effet, c’est le premier titre que, de façon unanime, les Eglises d’Orient et d’Occident attribuent à Marie quand elles en font mémoire dans la prière eucharistique et dans la célébration de la nativité du Seigneur. Et puisqu’elle a mis au monde Celui qui s’est fait notre frère, la Vierge Marie est notre mère.
Le deuxième événement, non des moindres, est la Journée mondiale de la paix. En effet, L’église catholique propose au monde entier de célébrer la Journée Mondiale de la Paix le 1er janvier depuis 1968, à l’instigation du Pape de l’époque, Paul VI. Ses successeurs ont poursuivi cette célébration et, aussi bien Jean-Paul II que Benoît XVI, ont tenu à marquer d’une manière solennelle l’entrée dans la nouvelle année. Le Pape François a, avec son style propre, repris le flambeau. Comment pouvons-nous vivre ces deux événements dans notre société d’aujourd’hui ? Pour y parvenir, nous avons choisi de nous laisser guider par le texte de la lettre aux Hébreux qui nous est proposée aujourd‘hui.
En effet, l’auteur de cette lettre nous indique que «lorsque la plénitude des temps fut accomplie, Dieu a envoyé son Fils, il est né d’une femme » (He 4,4). Que signifie «plénitude des temps », moment pendant lequel le Seigneur décide d’envoyer son unique Fils au monde ? En parcourant l’histoire d’Israël au moment où naît Jésus, on se rend compte qu’il ne s’agissait pas d’un temps de paix, encore moins de prospérité. Le Peuple de Dieu était sous la domination romaine. Pour les contemporains de Jésus, par conséquent, ce n’était certainement pas le temps le meilleur. Ce n’est donc pas vers la sphère géopolitique ni vers l’émergence économique que l’on doit regarder pour définir le sommet du temps.
Pour mieux cerner la « plénitude des temps », selon l’esprit de l’auteur, il est judicieux de partir de Dieu comme initiateur et garant du temps et de l’histoire. En effet, le temps atteint son sommet et sa complétude lorsque Dieu décide d’accomplir la promesse qu’il a faite au Peuple d’Israël de lui envoyer un Sauveur. C’est la venue du Messie, le Verbe de Dieu incarné, qui permet au temps et à l’histoire de l’humanité d’atteindre sa plénitude. Autrement dit, c’est la présence personnelle de Dieu dans notre histoire qui inaugure le kairos. Ainsi, notre temps aussi est transformé et atteint sa plénitude dans la rencontre que nous faisons avec le Petit Enfant de Bethléem.
Cependant, les drames, la catastrophes de tous genres et maintenant la pandémie de Covid-19 remettent en question l’effectivité de la plénitude des temps initiée à partir de l’ère messianique. Les inégalités sociales, les injustices, les guerres et autres formes de violences qui touchent et blessent la dignité humaine ne font qu’accroitre doute et interrogations en rapport avec la plénitude des temps. Le péché et l’autoréalisation de l’homme semblent contredire la plénitude des temps réalisée en et par Jésus-Christ. Comment se fait-il qu’on souffre alors que Dieu est venu habiter parmi nous ? Jusqu’où la capacité de nuisance de l’homme peut-elle aller avant que Dieu n’impose un nouvel ordre ?
A cet effet, l’Eglise nous propose de contempler Marie, dans sa foi et sa vie au quotidien, comme modèle. Grâce à son «oui» et sa confiance en la parole de l’Ange, l’Eternité s’est liée pour toujours à la condition fragile et vulnérable de l’humanité. Dans le passage de saint Paul que nous venons d’écouter (Gal 4, 4), l’Apôtre évoque, de façon très discrète, celle par l’intermédiaire de laquelle le Fils de Dieu entre dans le monde : Marie de Nazareth, la Mère de Dieu, la Theotòkos. A travers sa maternité divine, elle est devenue une icône de la paix. Elle est depuis toujours présente dans le cœur, dans la dévotion et surtout sur le chemin de foi du peuple chrétien. «L’Église marche au cours du temps… et sur ce chemin elle progresse en suivant l’itinéraire accompli par la Vierge Marie» (Jean Paul II, Enc. Redemptoris Mater, n. 2). Au début d’une nouvelle année, nous sommes comme invités à nous mettre à son école, à l’école de la fidèle disciple du Seigneur, pour apprendre d’Elle à accueillir dans la foi et dans la prière le salut que Dieu veut offrir à ceux qui ont confiance en son amour miséricordieux.