L'évêque Heiner Wilmer, ancien supérieur général, a publié un livre en cette période de pandémie. P. Jean-Jacques Flammang scj commente le livre.
Mgr Heiner Wilmer, évêque de Hildesheim et ancien supérieur général des Prêtres du Sacré-Cœur, vient de publier un livre fort intéressant en ces temps de coronavirus. Titre « Trägt. Die Kunst, Hoffnung und Liebe zu glauben » (« L’art de mettre sa foi en l’espérance et l’amour »). L’évêque nous parle de ce qui lui semble être « vraiment essentiel ». Il ne le fait pas en rejoignant les habituelles jérémiades sur le monde d’aujourd’hui qui aurait oublié l’essentiel, mais il montre concrètement comment jour après jour il vit et découvre autrement l’essentiel au contact avec les personnes qu’il rencontre : la vieille dame protestante devant la cathédrale de Hildesheim qui est venue à neuf heures du soir pour écouter sonner ces cloches qui lui redonnent espoir, ou les parents dont la fille de 20 ans s’est suicidée, ou le journaliste qui l’interroge pour un prochain article sur l’Église et le corona…
L’évêque montre ainsi qu’il y a beaucoup de choses qui le soutiennent et qui lui permettent de soutenir d’autres personnes. D’où d’ailleurs le titre « Trägt » qu’il a donné à son livre.
A plusieurs reprises Mgr Wilmer se réfère à de grandes personnalités de l’histoire qui l’ont aidé à mieux comprendre certaines dimensions de sa vie : Dietrich Bonhoeffer par exemple, que les nazis ont assassiné, ou Etty Hillesum, véritable témoin de l’espérance, ou encore Madeleine Delbrêl, Thérèse de Lisieux, Jean de la Croix… Sont revisitées aussi les anciens textes bibliques comme ceux concernant Abraham et Isaac, discutés entre amis lors d’une rencontre récente à Paris, car jeune religieux Heiner Wilmer a étudié en France et défendu une thèse de doctorat sur Maurice Blondel.
Ancien supérieur général de la Congrégation fondée par le Père Léon Dehon, Mgr Wilmer se souvient du Père André Prévot, religieux exemplaire, contemporain du Père Dehon, et qui comme premier maître des novices de la Congrégation peut être considéré comme le cofondateur de celle-ci.
Par sa théologie et sa spiritualité, le Père Prévot était « bien en avance sur son temps ». C’est dommage de l’avoir un peu oublié, car en ces temps où les théologiens parlaient de dogmes et de néoscolastique, lui redécouvrit la mystique et l’amour. Sa théologie, largement inspirée par celle de Richard de Saint-Victor, met l’accent sur l’amour de Dieu pour les hommes, et on trouve en son centre à la fois Dieu et les hommes. Mgr Wilmer rappelle que le Père Prévôt était pour beaucoup de ses contemporains un saint, un nouveau curé d’Ars, apôtre de l’amour. La « charité sans mesure », il l’invoque dans une belle prière laissée à ses confrères et que nous retranscrivons ici :
« Il faut faire déborder la mesure de la charité » :
Je tâcherai de me dire dans les occasions : « Il faut faire déborder la mesure de la charité ».
Si l’amour-propre dit : « Il faut défendre son droit », je répondrai : « Il faut faire déborder la mesure de la charité ».
Si la paresse dit : « J’ai besoin de repos », je répondrai : « Il faut faire déborder la mesure de la charité ».
Si la prudence de la chair prétend qu’il ne faut pas se prodiguer pour ne pas perdre de sa valeur, je répondrai : « Il faut faire déborder la mesure de la charité ».
Si je suis gêné, dérangé, fatigué, je me dirai encore : « Courage ! Il faut faire déborder la mesure de la charité ».
Puis, à mon tour, quand j’aurai besoin d’une aide, d’un conseil, d’une correction, d’une consolation, peut-être d’un pardon, d’un secours pour le corps ou pour l’âme, pour moi-même ou pour mes frères, je dirai à Jésus : « Bon Maître, Vous avez promis de nous rendre la même mesure: il faut faire déborder, Vous aussi, la mesure de la charité ». Ainsi soit-il. P. André Prévot (1840-1913)