La dévotion au Sacré Cœur se rapporte à tous les mystères et à tous les états de Notre Seigneur. Elle donne l’explication de tout avec ce seul mot: Amour. Ce texte est extrait du livre de León Dehon « Le Cœur Sacerdotal de Jésus » de 1907.
On peut appliquer à la dévotion au Sacré Cœur, comme on les applique à l’Eucharistie, ces paroles du livre de la Sagesse: «Panem de cælo præstitisti eis omne delectamentum in se habentem: C’est un pain du ciel qui a toutes les saveurs». Comme la manne du désert, comme la manne eucharistique, cette dévotion est une nourriture céleste qui a tous les goûts, toutes les saveurs spirituelles et qui s’adapte merveilleusement à toutes les âmes, quels que soient leurs besoins, leur condition, leur attrait particulier.
La dévotion au Sacré Cœur se rapporte à tous les mystères et à tous les états de Notre Seigneur. Elle donne l’explication de tout avec ce seul mot: Amour.
Comme les fidèles trouvent dans cette dévotion tous les motifs de confiance et tous les encouragements à la vertu, les prêtres y trouveront l’idéal de la vie sacerdotale et le modèle dont ils doivent se rapprocher.
Dans la première forme de cette dévotion, l’image du Sacré Cœur n’était pas dessinée et représentée, mais la méditation des fidèles se portait vers les pensées, les affections, les actes intérieurs de Notre Seigneur. Les écrits des Pères et la sainte liturgie elle-même dirigeaient nos méditations vers la vie intérieure du Christ. Le Cœur de Jésus était déjà considéré comme l’organe des principaux devoirs que nous avons à rendre à Dieu, comme le cœur de notre Médiateur et de notre Pontife, comme l’instrument de notre religion vis-à-vis de la sainte Trinité. L’acte et l’habitude de nous unir à lui étaient déjà tenus pour le meilleur moyen de remplir nos devoirs d’une manière parfaite. Cette considération se résume par ces paroles du canon de la messe: Per ipsum, cum ipso et in ipso est tibi… omnis honor et gloria; c’est par lui, avec lui et en lui que tout honneur monte vers Dieu.
Per ipsum. – Notre Seigneur est notre Médiateur et notre Pontife. Il l’est surtout par son amour, par son cœur, dont toute la vie s’épuise dans les devoirs qu’il rend à son Père en notre nom. Et c’est parce qu’elles partent de son cœur et qu’elles sont animées de son amour, que toutes ses œuvres de salut ont tant de prix auprès de son Père.
Cum ipso. – Notre Seigneur est notre Frère, notre Pontife, notre Avocat. Quand nous adressons à Dieu notre prière (et toute bonne œuvre est une prière), nous unissons notre voix, nos soupirs, nos gémissements à la voix, aux soupirs, aux gémissements du Cœur sacré mille fois aimant de notre Frère. Avec lui, nous poussons ce cri d’amour: Notre Père! Nos cœurs doivent donc se perdre dans le cœur si doux du Frère, du Prêtre, que nous avons au ciel et au tabernacle, pour rendre à Dieu tous nos devoirs et tous nos hommages.
Et in ipso. – En lui, nous offrons nos prières et nos œuvres et en cela nous avons tous, même les simples fidèles, quelque part à son sacerdoce: gens sancta, genus sacerdotale… Tous les saints du ciel, tous les saints de la terre et du purgatoire, tous les chrétiens n’ont qu’un cœur en Notre Seigneur, un cœur sacerdotal qui offre à Dieu louange, amour et sacrifice: Hoc sentite in vobis quod et in Christo Jesu (Ph 2,5).
Omnis honor et gloria. – Toute la gloire, tout l’honneur que Dieu peut recevoir de nous doit passer par le Cœur sacré de Jésus, le cœur de notre Médiateur, de notre Prêtre. Tout le reste n’est rien pour Dieu.
Cette doctrine a été mise en relief tout spécialement par les deux grandes âmes séraphiques de l’ordre bénédictin: sainte Gertrude et sainte Mechtilde.
Elle allait en s’accentuant au beau temps de l’Oratoire de France. Monsieur Olier, fondateur des Sulpiciens, la formula dans ses écrits et en particulier dans ses offices du Sacerdoce et de l’Intérieur de Notre Seigneur. Le Vénérable Père Eudes, élève du Cardinal de Bérulle et du Père de Condren, apprit à leur école cette doctrine de la méditation de Jésus Christ pour nos devoirs de religion envers Dieu, et il fit un pas de plus, il découvrit plus clairement la source, il vit que tout venait du Cœur de Jésus et il commença à proposer à notre vénération l’image du Sacré Cœur.
Depuis la révélation de Paray-le-Monial, le Sacré Cœur de Jésus n’est plus seulement l’organe des devoirs que nous rendons à Dieu, il est lui-même l’objet de notre culte et de notre amour, il reçoit lui-même nos hommages. C’est ce que Notre Seigneur a demandé dans ses révélations à la Bienheureuse Marguerite-Marie. Il voile pour ainsi dire les splendeurs de sa divinité sous l’amabilité du Cœur qu’il manifeste aux hommes. Il résume tout le tableau de la rédemption en ces mots: «Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes», et il demande qu’on lui rende amour pour amour. Mais jusqu’ici, on n’a pas encore assez mis en relief le caractère sacerdotal du Cœur de Jésus.
Comment ce Cœur nous a-t-il aimés? en s’immolant pour nous. C’est donc son Cœur sacerdotal que nous présente le bon Maître, son Cœur de prêtre et de victime, le Cœur qui nous a témoigné son amour en se sacrifiant pour nous sur l’autel de la croix. Il nous présente son cœur de chair comme symbole de son amour, et il nous demande d’honorer ce symbole et surtout son amour même, mais son amour blessé par le sacrifice que symbolisent la lance et les épines, son amour de prêtre et de victime volontaire.
Notre Seigneur ne met-il pas en relief tout à la fois son amour et son sacrifice? «Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu’il n’a rien épargné pour les sauver!».
Les principales manifestations de cet amour, l’Incarnation, la Passion et l’Eucharistie, ne sont-ils pas les grands actes sacerdotaux de la vie du Sauveur, et comme les diverses phases d’un même sacrifice?
Toute sa vie a été adoration et amour, depuis l’abaissement de l’Incarnation jusqu’à la mort de la croix: immolation extérieure par la souffrance, l’humiliation, la pauvreté; humiliation intérieure par l’amour et l’adoration. C’est la première fin du sacrifice. C’est aussi le premier acte de sa vie eucharistique.
Tous les battements du Cœur de Jésus disaient sa reconnaissance à son Père. L’Évangile nous rappelle souvent qu’il rendait grâces, gratias agens, mais l’action de grâces est une autre fin du sacrifice. Le sacrifice de l’autel s’identifie même tout spécialement avec la reconnaissance, dont il porte le nom: Eucharistie.
La prière sacerdotale animait aussi toute la vie du Sauveur. Il priait pour nous le jour et la nuit. Il vivait pour prier et il continue à le faire: Semper vivens ad interpellandum pro nobis (He 7,25). C’est la troisième fin du sacrifice.
Un autre sentiment qui enivrait le Cœur de Jésus pendant sa vie mortelle et qui le fait encore palpiter dans l’Eucharistie, est la réparation. Il n’en est pas sur lequel Notre Seigneur revienne plus souvent dans les révélations faites à la bienheureuse Marguerite-Marie. Du reste la réparation naît de l’amour et de la reconnaissance comme le fruit naît de la fleur.
Le Cœur de Jésus est l’organe et le modèle de notre réparation. Mais la réparation n’est-elle pas la quatrième fin du sacrifice?
Le Cœur de Jésus est donc bien et par-dessus tout un cœur de prêtre, et il convenait que les prêtres l’honorassent sous cet aspect.
La dévotion au Cœur sacerdotal de Jésus a pour objet le Cœur de Jésus prêtre et victime, que nous dépeint si bien l’hymne du temps pascal:
Almique membra corporis Amor sacerdos immolat.
Oui, c’est l’amour, c’est le Cœur sacré de Jésus qui jouit éminemment du caractère sacerdotal. Il s’immole lui-même, il immole le corps qu’il vivifie selon cette expression si belle: Amor sacerdos immolat. Cette vie de prêtre et de victime, dont le Sacré Cœur est le principe, résume toute la vie, toutes les opérations intérieures et extérieures de Notre Seigneur. Les trois grands fleuves d’amour de l’Incarnation, de la Passion et de l’Eucharistie partent de cet océan et y retournent après avoir parcouru le monde dans leur course vivifiante et salutaire. Tout est là, tous les mystères du salut, tous les bienfaits de Dieu, toutes les richesses de sa grâce et de sa miséricorde, le Cœur de Jésus, prêtre et victime d’amour, renferme tout cela.
Nous qui sommes prêtres, ne devons-nous pas aimer à considérer le Cœur de Jésus sous cet aspect? N’est-ce pas notre devoir? N’est-ce pas là pour le prêtre la vraie dévotion au Sacré Cœur?
N’est-ce pas à cette école du Cœur sacerdotal de Jésus que nous apprendrons à devenir de vrais et saints prêtres?
Oui, contemplons ce Cœur sacerdotal. Étudions ses pensées, palpons ses battements, méditons ses amours. Il va nous dire toutes les vertus sacerdotales, tous les devoirs, toute la vie, toute la perfection du prêtre.
Au contact du Cœur sacerdotal de Jésus, nous osons dire que tout prêtre deviendra plus prêtre qu’il ne l’était précédemment.