Les chapitres généraux ferments d’une conscience dehonienne en Afrique
En préparation du 25e Chapitre général, nous avons demandé à quelques Dehoniens d'écrire leurs réflexions. P. Joseph Kuate propose un article sur la réception de "Sint Unum" dans le contexte africain
Cet article se veut une révision des chapitres généraux de la Congrégation pour examiner comment ils ont été le ferment dans la promotion du Sint Unum dans les entités d’Afrique. La recherche nous a permis de découvrir que ces chapitres sont des véritables agents de transformation et de prise de conscience des responsabilités individuelles et collectives des entités. Nous voudrons surtout pousser les Supérieurs majeurs d’Afrique à y être attentifs et à toujours chercher à promouvoir l’implémentation des intuitions émises lors de ces Assemblées générales au niveau continental soit avec des conférences régionales.
Aujourd’hui toutes les entités africaines de la Congrégation ont conscience d’appartenir à une même famille religieuse et ont aussi la conscience qu’une lourde responsabilité leur incombe de travailler pour le renforcement du Sint unum en Afrique. C’est une évolution de mentalité car dans les débuts, les entités appartenaient à des provinces-mères auxquelles elles étaient plus liées et même absorbées. Il y avait une absence de reconnaissance qu’elles ont un destin commun parce que faisant partie de la même aire géographique. Cette conscience est née et a grandi lors des chapitres généraux. C’est ce que nous voulons démontrer par cet article dans le but d’encourager le renforcement du Sint Unum et l’implémentation des décisions prises aux chapitres généraux pour la maîtrise du devenir ensemble régional. En d’autres termes, ce travail a pour but la recherche la genèse et le renforcement de la solidarité entre les entités africaines d’aujourd’hui. Nous avons donc choisi les chapitres généraux comme notre domaine d’investigation que nous postulons qu’ils ont été les lieux par excellence où la prise de conscience du devenir ensemble dans la zone Afrique a été fécondée.
Les entités africaines jusqu’en 1991 étaient considérés dans les chapitres comme territoire de mission bien que le Congo ou le Zaïre soit déjà une province en 1964. L’Afrique était accidentellement traitée au chapitre, car on assimilait chaque entité à la province-mère : Cameroun, région de la France ; Mozambique, région de l’Italie du Nord ; Aliwal et de Aar, régions de l’Allemagne et des USA, Madagascar, mission d’Italie du Sud et du Portugal. La participation au chapitre général se limitait au départ aux supérieurs des entités avec au plus un délégué. Néanmoins la prise de conscience de l’appartenance à une région géographique aux réalités culturelles et historiques plus ou moins similaires est née toujours aux chapitres généraux. Cela a commencé par la recherche à trouver une solution commune au chapitre pour un traitement des missionnaires en Afrique.
Au 12e chapitre général des 3 et 4 octobre 1947 à Bologne, aucun délégué de l’Afrique n’y est présent et c’est l’Assistant au Supérieur général chargé des missions en Afrique qui parlera des missions en Afrique. Le chapitre est d’ailleurs prudent de traiter tous les problèmes liés à la mission de peur d’empiéter sur les compétences de la Propaganda Fide. Il se bornera à traiter des problèmes des congés des missionnaires en Afrique. Le chapitre a décidé qu’un missionnaire qui a déjà passé un certain nombre d’années en territoires missionnaires (5 ans au Congo, 6 ans au Cameroun, 10 ans à Aliwal) peut prendre un temps de repos dans son pays d’origine. Les vacances sont fixées pour six mois aussi bien pour les missionnaires qui sont rentrés à cause de la maladie.
Au chapitre suivant du 7 au 17 janvier 1954, qui verra la présence du Supérieur régional du Congo et d’un délégué, on apprend avec joie que trois Camerounais sont entrés au Noviciat d’Amiens en France. Il s’agit de Antoine Tankwé ( + 1998), Léon Kamgang ( + 2006) et Romain Konka (sorti de la congrégation en 1957). Le chapitre exprime son souhait de voir bientôt la congrégation accueillir les fils de diverses couleurs pour vivre la réparation. Ce souhait ne se réalisera pas aussitôt avec la génération de ce chapitre, car en 1955, la Propaganda Fide interpelle les religieux qu’ils sont en mission pour former le clergé local et non faire des vocations à eux.
Aucune réunion regroupant les autorités scj œuvrant dans les entités africaines n’est signalée dans les archives avant le 17e Chapitre tenu du 22 mai au 22 juillet 1979 à Rome qui initiera souvent des carrefours à tendance géoculturelle. On ne peut pas s’étonner car jusqu’au 18e Chapitre général tenu du 15 mai au 14 juin 1985 à Rome, aucun Africain natif n’avait participé à un chapitre général. Le premier est donc le Père Léon Kamgang, Supérieur régional du Cameroun. L’année 1979 est justement celle de l’ouverture des premières structures de formation en Afrique pour les religieux, non seulement les SCJ mais aussi des autres instituts religieux. Au chapitre de 1979, l’ouverture d’un noviciat scj au Cameroun est approuvé et l’effectivité sera le 1er octobre 1979 à Ndoungué. Le même jour, le Séminaire théologique Saint Cyprien des CICM ouvrait ses portes à Ngoya, toujours au Cameroun et deviendra un consortium pour la formation théologique des religieux en Afrique en 1987, sous le nom d’Ecole Théologique Saint Cyprien. Les tractations commencées au chapitre de 1979 entre le Supérieur provincial du Zaïre et le Supérieur régional du Cameroun vont se poursuivre pour que le Cameroun et le Zaïre coopèrent pour la formation de leurs candidats à la vie religieuse et au sacerdoce. L’année suivante, 1980, le noviciat de Ndoungué accueille deux Zaïrois, tandis que le Zaïre accueille deux Camerounais pour les études philosophiques chez les Jésuites à l’Institut Pierre Canisus de Kimwenza (Kinshasa). Le Séminaire Saint Cyprien reçoit également les deux premiers Dehoniens, l’un Camerounais (André Eluti) et l’autre Zaïrois (Zénon Sedenke Mouzho). Les Dehoniens zaïrois et camerounais vont être formés dans l’esprit d’internationalité à partir de ces premières années d’ouverture des structures de formation en Afrique.
La grande rencontre non capitulaire qui manifestera le renforcement de la solidarité régionale scj en terre africaine est sans nul doute, la réunion tenue du 27 au 31 juillet 1987 à Ndoungué au Cameroun. Les délégués, venus des cinq pays d’Afrique où œuvrent les Dehoniens (Madagascar, Mozambique, Afrique du Sud, Zaïre, Cameroun), sont réunis autour de l’Assistant général, le Père André Perroux, venu de Rome pour la coordonner. Ce dernier à l’ouverture de la rencontre situe sa raison d’être en trois points : 1. Mieux se connaître, car 200 religieux scj œuvrent en Afrique ; 2. Réfléchir sur la signification de la vie religieuse dehonienne dans les Eglises d’Afrique avec les défis communs et divers ; 3. voir comment l’on peut accueillir les jeunes Africains qui désirent entrer dans la congrégation.
Le même mois de juillet 1987, deux Malgaches sont accueillis au noviciat de Ndoungué pour leur formation. Dès 1988, une commission mixte de formation née dans la zone Afrique, bien que toutes les entités n’y adhèrent pas encore. La commission a continué à fonctionner jusqu’à se refroidir en 2016. Des progrès considérables ont été faits pour donner une meilleure formation aux jeunes scj africains en formation et promouvoir une solidarité entre eux dès les années de formation. Deux pôles théologiques sont opérationnels aujourd’hui ; l’un de langue française à Ngoya au Cameroun et l’autre de langue anglaise à Cedara en Afrique du Sud avec les jeunes de presque toutes les entités africaines. Une commission justice et paix est restée embryonnaire et n’a tenu qu’une seule assise du 9 au 11 mars à Quelimane au Mozambique.
Les Pères capitulaires du 22e chapitre général tenu du 17 mai au 11 juin 2009 à Rome ont exhorté à la création de la commission théologique en vue d’approfondir l’étude de notre spiritualité avec des personnes compétentes provenant de toutes les zones géoculturelles et aussi la création des groupes d’études locaux. Le même chapitre a trouvé l’inter-culturalité comme une réalité à approfondir, une façon de vivre notre fraternité. Inter-culturalité et inculturation sont à promouvoir. Les tractations sont menées de 2009 à 2014 pour la création d’une Commission théologique internationale dehonienne avec la représentativité de toutes les zones géographiques. La CTID née les 4,5 et 6 novembre 2014 à Rome et encourage aussi la création des Commissions continentales. La Commission théologique dehonienne africaine sort des fonts baptismaux à Kinshasa en RDC du 09 au 11 septembre 2015 et même si ses statuts n’ont jamais été approuvés, elle reste opérationnelle.
Le temps n’est-il pas venu de penser à des chapitres ou des conférences dans la zone Afrique pour promouvoir d’avantage le renforcement du Sint Unum régional et les implémentations des chapitres généraux ? Nous exhortons la COSENAF à y réfléchir sérieusement.