Samedi saint: Le deuil de Marie et des apôtres et l’épreuve de Madeleine
La très Sainte Vierge exprime sa douleur avec calme chez saint Jean. Madeleine plus agitée court acheter des parfums et va au sépulcre. Deuil, compassion et amour, telles sont les dispositions dont je dois me pénétrer aujourd’hui pour remplir ma mission de disciple du Sacré Cœur. (P. Dehon)
Elle vit deux anges vêtus de blanc, assis au lieu où avait été le corps de Jésus, l’un à sa tête et l’autre aux pieds. Ils lui dirent: Femme, pourquoi pleurez-vous? Elle leur répondit: C’est qu’ils ont enlevé mon Seigneur: et je ne sais où ils l’ont mis (Jn 20,12).
Premier Prélude. La très Sainte Vierge exprime sa douleur avec calme chez saint Jean. Madeleine plus agitée court acheter des parfums et va au sépulcre.
Deuxième Prélude. Deuil, compassion et amour, telles sont les dispositions dont je dois me pénétrer aujourd’hui pour remplir ma mission de disciple du Sacré Cœur.
PREMIER POINT: Deuil de Marie, de saint Jean et de Madeleine.
Pendant le grand deuil du samedi, Marie, les disciples et les saintes femmes demeurèrent à la maison, à cause du sabbat. «Sabbato autem siluerunt secundum mandatum» (Lc 23,56).
Pour Marie, il y avait un autre motif: C’était l’usage des juifs que la personne la plus étroitement unie au défunt, sa mère, son épouse, sa sœur demeurât à la maison pendant le grand deuil, tandis que les autres membres de la famille allaient visiter le sépulcre. À la mort de Lazare, c’était Madeleine qui demeurait à la maison: Maria autem domi sedebat (Jn 11,20).
La maison pour Marie, c’était chez Jean. Il l’avait prise chez lui sur l’ordre de Notre Seigneur. Ex illa hora accepit eam discipulus in sua (Jn 19,27). Pierre était là aussi, il ne quittait pas Jean ces jours-là.
Nous pouvons facilement penser que Madeleine demeura aussi auprès de Marie. Unies au pied de la croix, elles étaient unies dans le deuil. La présence de Marie adoucissait le deuil de Madeleine. La présence de Madeleine, qui avait été toute arrosée du sang de Jésus, c’était pour Marie comme un reste de Jésus lui-même.
Marie s’abandonne moins à la douleur que Madeleine. Sa foi ne lui laisse pas perdre de vue les enseignements de l’Écriture.
Elle sait que l’âme sainte de Jésus ne sera pas abandonnée dans les enfers et que Dieu ne permettra pas que le corps de son Saint connaisse la corruption; Quoniam non derelinques animam meam in inferno, nec dabis Sanctum tuum videre corruptionem (Ps 15,9 cf. 16,10).
Elle attend sa prochaine visite. Elle médite sur la grandeur du sacrifice et de l’amour de Jésus et sur les heureux fruits que produira sa passion: Conservabat omnia verba hæc in corde suo (Lc 2,19).
DEUXIÈME POINT: Amour et fidélité de Madeleine.
Madeleine elle aussi nous donne un grand exemple de fidélité et de persévérance dans l’amour de Notre Seigneur. Elle n’a pas de repos, elle ne peut vivre loin de son bien-aimé. Il lui faut son Dieu, elle le cherchera. Son trésor est au sépulcre, là aussi est son cœur. Les épreuves n’ont pas éteint les flammes de son amour: Aquæ multæ non potuerunt extinguere caritatem (Ct 8,7).
Son amour s’est purifié dans le creuset des souffrances. Il faut que sa fidélité redouble: son bien-aimé a été si cruellement trahi, abandonné! Il faut que son dévouement soit vraiment réparateur.
Aussitôt que la loi de Dieu le permet, elle sort avec les deux autres Marie pour acheter des parfums (Mc 16,1). Par modestie, elle ne sort pas seule. Elle consulte Pierre, Jean et Marie, comme elle ira leur rendre compte quand elle aura trouvé le tombeau vide. L’obéissance à l’Église et l’union à Marie sont les marques du véritable esprit de Dieu. Après l’achat des parfums, Madeleine fait une visite au sépulcre avec une seule compagne: Vespere autem sabbati, venit cum altera Maria videre sepulcrum (Mt 28,1). Elle prend le chemin du Calvaire, il fait sombre, elle revoit en esprit toutes les scènes du vendredi. Elle a peur de fouler aux pieds le précieux sang. La croix est encore là, elle est effrayante au milieu des ombres de la nuit. Le sépulcre est solitaire, les gardes sommeillent. Marie s’assied et pleure. L’heure de la consolation n’est pas venue. Notre Seigneur la laisse dans ses angoisses et cependant il fortifie son courage. Elle retourne dans la maison de douleur, elle n’a pas trouvé son bien-aimé: Per noctem qæsivi quem diligit anima mea. Quæsivi et non inveni (Ct 3,2). – Quand nous avons perdu la présence de Notre Seigneur, cherchons-le assidûment comme Madeleine.
TROISIÈME POINT: Ardeur de Madeleine et ses épreuves. –
Le cœur aimant de Madeleine ne connaît ni retard ni découragement. Aussitôt que cela est possible: Valde mane, valde diluculo, cum adhuc tenebræ essent, (cf. Mc, Lc et Jn), Madeleine sort avec les deux autres Marie pour retourner au Calvaire. Elle les devance, elle court. Comme l’épouse des Cantiques, elle a dit: «Je me lèverai la nuit et je parcourrai la ville; dans les rues, sur les places publiques je chercherai celui que mon cœur aime. Je demanderai aux gardiens des portes de la ville: «Ne l’avez-vous point vu?» (Ct 3,1). Pendant cette nuit, elle disait avec le Psalmiste: «Mon âme soupire après vous, ô mon Dieu, comme le cerf altéré après l’eau des fontaines. Quand vous reverrai-je, ô mon Dieu? Quand paraîtrai-je devant votre face? Pendant que je verse des larmes intarisables, mes ennemis ricanent et me disent: Où est ton Dieu?… Ô mon âme, espère quand même, car tu le loueras encore, ton Seigneur et ton Dieu» (cf. Ps 42).
Mais Notre Seigneur veut éprouver encore davantage sa fidélité et sa constance. En arrivant au Calvaire, Madeleine voit que la pierre a été enlevée et que le sépulcre est vide. Elle ne pensait pas à la résurrection, elle cherchait le corps meurtri et déchiré de son Sauveur pour lui rendre le pieux devoir d’un ensevelissement digne de lui. Cet espoir même est déçu. Il ne lui reste plus rien de son Jésus! C’est un coup de foudre pour elle. Cependant, elle ne succombe pas à sa douleur, elle adore, elle s’humilie elle se rappelle ses péchés qui justifient cette privation de son Jésus, de son Sauveur bien-aimé.
Résolutions.
Marie, Jean, Madeleine et les saintes femmes sont nos modèles dans cette journée de compassion et de réparation. Ils sont les seuls amis fidèles du Cœur de Jésus. Je m’unirai à eux aujourd’hui et tous les jours. Je chercherai mon Jésus comme Madeleine, toutes les fois que j’aurai perdu sa présence sensible. Je ne me découragerai jamais dans ma foi, ma confiance et mon amour.
Colloque avec Marie.
(P. Dehon, L’année avec le Sacré Cœur – Mars, 427-436)