Entretien avec le Père Eli Lobato dos Santos, scj nommé supérieur provincial de la BSP
Père Eli, vous êtes le bienvenu. Merci pour votre disponibilité pour cet entretien. Comment espérez-vous, vous qui connaissez tant de réalités de la province BSP, commencer ce triennat comme supérieur provincial ?
Dans ma réponse au Supérieur général, j’ai cité Phil 2,12. Je commence ma mission avec “crainte et tremblement” mais aussi avec une grande confiance, à la fois confiance en Dieu qui est le propriétaire de la congrégation, de la province et finalement de nous tous, mais aussi confiance aux personnes qui, à l’occasion de ma nomination, ont exprimé non seulement leur solidarité et leur prière, mais aussi leur désir de coopérer pour le nouveau triennat.
Quelles seraient les priorités pour cette période ?
En regardant le panorama dans lequel nous vivons, il me semble que c’est une période très difficile. Il y a une crise dans la société, mais il y a aussi une crise dans l’Église et, par extension, dans la Congrégation elle-même et dans la Province. Il me semble qu’une priorité serait une réflexion cohérente sur ce que nous sommes objectivement, en tant que personnes consacrées, en tant que prêtres, et ce que nous devrions être. Il s’agit de ce que dit saint Jean : nous sommes déjà fils ” mais il n’a pas encore été révélé exactement ce que nous serons ” (cf. 1 Jn 3,2). Il s’agit donc d’une réflexion profonde sur notre configuration de prêtres religieux. Par extension, la personne du religieux est concernée, ainsi que la formation aux vœux perpétuels qui, il me semble, est un peu dépassée. Puis il y a d’autres choses, comme l’administration des paroisses. Nous avons connu des cas graves de mauvaise administration paroissiale. Mais la réflexion la plus importante porte sur ce que nous sommes et devons être en ce temps de crise dans toutes les sphères sociales et ecclésiales.
Pensez-vous que ce nouveau gouvernement sera un gouvernement de continuité ou un gouvernement de changement ? Comment définiriez-vous cela ?
J’aime une réponse que le pape Benoît XVI a donnée à une question similaire à celle-ci. Pour certaines personnes, quand elles parlent de continuité, elles pensent à la même chose ; quand elles parlent de nouveauté, elles semblent penser au rejet de tout ce qui vient du passé. Aucune de ces deux façons de penser ne nous sert. “Le nouveau bourgeon de l’arbre dépend de la vieille branche.” Il y a toujours une continuité dans l’Église. Il y a le nouveau bourgeon, mais ce nouveau bourgeon dépend de ce qui le précède. Une continuité, oui, mais ce sera nécessairement un nouveau bourgeon, non seulement parce qu’il s’agit d’un nouveau gouvernement, mais aussi parce qu’il s’agit d’une nouvelle phase dans la vie de nous tous, de la province elle-même et de la congrégation. Seul l’élu provincial est un peu vieux….
Dans la province BSP, nous avons une grande vitalité, mais nous savons aussi que certains jeunes ont quitté la vie religieuse. Comment faites-vous face à cette situation ?
Pendant ma longue période de formation, je me suis posé des questions à ce sujet. Que s’est-il passé ? Quels étaient les problèmes ? Il me semble que l’idéal d’être un homme consacré est présent en chacun de nous, et au moins dans une bonne partie des personnes en formation avec lesquelles j’ai eu l’occasion de faire connaissance. Cependant, en cours de route, il y a quelque chose qui obscurcit et embarrasse cet idéal et le sujet commence à être enchanté par d’autres choses. Il y a donc une question sur le chemin qui doit être discernée : nous devons réfléchir et voir ce qui se passe. Une partie de ma réflexion me porte à croire qu’il y a une sorte de contamination de la vie fraternelle en communauté qui fait que l’idéal est miné. Une sorte de virus qui pénètre la vie fraternelle en communauté et contamine même le jeune religieux et quelques années plus tard, alors qu’il a embrassé le sacerdoce, il demande à partir.
Quelle est votre opinion sur la formation à l’internationalité ?
Dans certaines réunions, il m’a semblé que la formation à l’internationalité est comprise comme l’envoi de membres de notre province dans d’autres entités. Je pense que l’internationalité est un peu plus que cela. L’église est catholique, elle est internationale. Nous sommes appelés à vivre une communion qui est, en fait, internationale bien avant la fondation de toute congrégation ou de tout chapitre. Ainsi, la catholicité de l’Église est l’internationalité qui nous incombe, déjà d’un coup. Deuxièmement : en ce qui concerne l’envoi de membres vers d’autres entités, la Province BSP le fait depuis longtemps. Si nous prenons l'”Elenchus” (ndlr : publication qui recueille les données personnelles de tous les SCJ), il y a plus de vingt religieux qui travaillent dans d’autres entités : Canada, USA, Europe, Afrique, Asie, Amérique latine. Ainsi, grâce à Dieu, nous vivons déjà cette internationalité comme participation et service dans d’autres entités.
Mon Père, pour parler un peu du Brésil : nous avons trois provinces (BSP, BRM et BRE) et deux districts (BSL et BMT). Quels sont les défis, selon votre point de vue, pour l’Église au Brésil et pour nos entités ?
Le défi continue d’être celui-ci : l’Église étant, en fait, l’Église. Nous sommes une Église et une Église qui a une mission très spécifique. Nous pouvons même discuter, un peu, des plis de cette mission. Cela peut varier ici et là, mais notre essentiel est d’être l’Église catholique apostolique romaine. Des personnes très sérieuses m’ont dit que tout ce qui est appelé Église n’est pas, en fait, l’Église. Nous sommes appelés à être, ici au Brésil, l’Église catholique, et notre spécifique est celui-ci. C’est ce qui fait la différence pour la société. Nous devons conserver ce qui est vrai de la vie catholique, afin de pouvoir y contribuer. En changeant certaines choses et en nivelant par le bas, nous ne contribuerons pas comme nous le devrions. Ce que nous avons à offrir est très précieux, et certaines personnes ne le réalisent pas. La richesse de l’Eglise est sa spiritualité, est la Parole de Dieu, est sa catéchèse, est sa capacité à rassembler les gens.
Pour conclure, je voudrais que vous disiez un mot, tant à ceux de la province BSP qu’à toute la famille dehonienne.
Ma parole est, naturellement, une parole d’espoir et de confiance. Nous terminons un nouveau mois et nous sommes sur le point d’en commencer un autre. Cela peut nous donner l’impression que le temps tourne si indépendamment de nous qu’il semble que nous soyons des otages, que le temps nous domine de telle manière que nous ne pouvons rien y faire. Ce n’est pas tout à fait ça. La succession du temps ne nous empêche pas de comprendre que le temps n’est pas une prison. C’est un voyage que je fais. Et ce qu’il y a de plus beau dans notre foi, c’est que nous croyons que le long du chemin, et à la fin du chemin, il y a Quelqu’un. Ce n’est pas un temps qui passe follement et qui n’aboutit à rien. Non ! Il y a quelqu’un qui nous accompagne et qui nous attend à la fin du voyage. C’est vrai pour toutes les circonstances, mais encore plus pour la circonstance qui me concerne en ce moment. Je ne suis pas seul. Il y a quelqu’un qui nous accompagne. Le temps liturgique nous le montre. Mon message est donc un message d’espoir. Nous ne savons pas quand la pandémie prendra fin, ni combien de personnes nous perdrons ou à quel point nous souffrirons encore, mais nous savons que nous ne sommes pas seuls, et qu’au bout du compte, nous parviendrons à une rencontre qui fera toute la différence pour nous, que ce soit dans le travail le plus immédiat ou dans une perspective plus large.