Le dernier acte de la passion du Christ, l’ouverture de son côté, explique et résume toute la vie du Sauveur. Il a pris un Cœur pour l’ouvrir comme la source de toutes les grâces. Donnez-moi, Seigneur, la grâce de boire aux sources de la sainteté et de l’amour (P. Dehon)
Un des soldats lui ouvrit le côté avec une lance, et aussitôt il en sortit du sang et de l’eau. Celui qui l’a vu en a rendu témoignage… Ces choses sont arrivées afin que l’Écriture s’accomplît: Vous ne briserez aucun de ses os; et encore: ils verront au-dedans de celui qu’ils ont percé (Jn 19,34 ss.).
Premier Prélude. Le dernier acte de la passion du Christ, l’ouverture de son côté, explique et résume toute la vie du Sauveur. Il a pris un Cœur pour l’ouvrir comme la source de toutes les grâces.
Deuxième Prélude. Donnez-moi, Seigneur, la grâce de boire aux sources de la sainteté et de l’amour.
PREMIER POINT: La blessure.
Allons au Calvaire, après la mort de Jésus. La foule s’est éloignée, les amis restent. Quelques soldats viennent constater ou, s’il y a lieu, hâter la mort des patients, afin que le spectacle de leur supplice prolongé n’attriste pas le jour du sabbat.
Un des soldats s’avança donc et ouvrit le côté de Jésus avec une lance. C’est un grand mystère de l’histoire sacrée, où tout est mystère et action divine. La blessure extérieure est ici la révélation symbolique de la blessure intérieure, celle de l’amour. L’amour, voilà le bourreau de Jésus! Le Christ est mort parce qu’il l’a voulu, c’est l’amour qui l’a tué… Aussi l’Église chante-t-elle, pour saluer le Cœur transpercé de son époux: «Ô Cœur victime d’amour, Cœur blessé par l’amour. Cœur mourant d’amour pour nous! O Cor amoris victima, amore nostro saucium, amore nostri languidum! (Hymne du Sacré Cœur).
Notre Seigneur a permis ce coup de lance pour appeler notre attention sur son Cœur, pour nous faire penser à son amour qui est la source de tous les mystères du salut: les promesses de l’Eden, les prophéties et les figures de l’ancienne loi, l’action providentielle sur le peuple de Dieu, l’incarnation, la vie, les enseignements et la mort du Sauveur. L’ouverture du côté de Jésus, c’est comme la source qui arrosait le paradis terrestre, c’est comme la fente du rocher qui donna l’eau pour désaltérer le peuple d’Israël.
DEUXIÈME POINT: Le sang et l’eau.
Il en sortit du sang et de l’eau, dit saint Jean. Le fer en se retirant laissa jaillir une double source de sang et d’eau, dans laquelle les Pères de l’Église ont vu le symbole de cette autre merveille d’amour, les sacrements, canaux précieux de la grâce du salut. – Fleuve d’eau qui, au saint baptême et dans le bain de la pénitence, lave l’âme de la souillure originelle; fleuve de sang qui tombe chaque matin dans les calices des autels, pour se répandre à travers le monde, consoler l’Église souffrante du purgatoire et ranimer l’Église qui milite sur la terre; fleuve rafraîchissant, où le cœur, desséché par les affaires et les tentations, va s’abreuver de calme et de pureté; fleuve fortifiant, où la volonté la plus chancelante puise la force pour résister aux assauts de l’ennemi; fleuve enivrant, où l’âme va s’abreuver de piété, de charité et de sainte joie.
Seigneur, donnez-moi à boire de cette eau et de ce sang, afin que je n’aie plus cette soif maladive des choses du monde qui me torture, et que je sois enivré de votre amour.
TROISIÈME POINT: «Ils verront au-dedans de celui qu’ils ont percé».
C’est le mot du prophète Zacharie, rappelé par saint Jean. Le prophète n’a pas dit: «Ils verront qui ils ont percé», mais «ils verront au-dedans de celui qu’ils ont percé: Videbunt in quem transfixerunt» (Jn 19,38 37). Saint Jean applique ces paroles à l’ouverture du côté de Jésus; il a dû penser à l’intérieur de Jésus, au Cœur même de Jésus qu’il a pu entrevoir par la plaie béante du côté, au moment de l’embaumement.
Cette blessure nous livre et nous ouvre le Cœur de Jésus. Spirituellement, nous y lisons l’amour qui a tout donné, même la vie. Dans cet amour même, nous reconnaissons le motif et la fin de toutes les œuvres divines: Dieu nous a créés, rachetés, sanctifiés par amour. Dans le Cœur de Jésus, c’est donc le fond même de la nature divine que nous pénétrons en sa plus merveilleuse manifestation. «Dieu est amour» [1 Jn 4,16]. Saint Jean a lu cela dans le Cœur de Jésus.
J’ai besoin de contempler cette blessure pour voir combien je suis aimé et combien je dois aimer à mon tour. J’apprendrai là comment un cœur aimant doit agir, souffrir, tout donner, jusqu’à la mort, pour Dieu et pour les âmes.
Allons plus profondément encore, et voyons tout ce qu’a souffert le plus délicat des cœurs: les mépris, les calomnies, les trahisons, les abandons, les délaissements. Toutes les douleurs sont réunies dans ce Cœur et en débordent. Il les a toutes ressenties, il les a toutes sanctifiées. Dans nos peines, si extrêmes qu’elles soient, ayons confiance dans la sympathie et la compassion de ce Cœur, qui a voulu nous ressembler dans la souffrance, pour être plus compatissant et plus miséricordieux (cf. He 2,17).
Commençons nous-mêmes par plaindre cet amour qui n’est pas aimé et par compatir à ses douleurs.
Résolutions.
L’ouverture du Cœur de Jésus nous rappelle son amour, sa bonté, sa souffrance. Il attend de moi l’amour de retour, la reconnaissance, la compassion. Me voici, Seigneur, pour vivre avec vous et en vous. Ne permettez plus que je me sépare de vous et que je vous oublie.
Colloque avec Jésus en croix.
(P. Dehon, L’année avec le Sacré Cœur – Mars, 420-427)